Un nu de Yannick Zofer offre tout d’abord au regard une
surface, celle de la peau. Des peaux. Les visages sont absents, le cadre nous
amène à regarder le fragment et, même, la texture. La chair se donne comme
matière ; ici, pas de satin, mais du grain ; des plis ; du
volume ; une photographie à pétrir.
« Un corps trop parfait ne raconte rien », nous
dit Yannick. « J’ai besoin des écorchures, des défauts ». Ces
corps-là ont connu des blessures, les effets du temps, les excès parfois. Ils
nous invitent à y lire une histoire. Le photographe a renoncé cette fois aux
modèles professionnels, interchangeables, et échappe ainsi à la standardisation
des corps. Ici, chacun est singulier ; son histoire est unique et, en
cela, elle nous parle et parle de nous. Ces plis, ces boutons, ces poils
appartiennent à quelqu’un, à un individu, et par la magie du regard
photographique, le particulier est universel. « Je veux trouver la beauté
dans n’importe quel corps » : et c’est une beauté partout présente
que signale l’objectif.
Et au-delà de l’histoire des corps, on lit encore
« l’aventure humaine » de la séance de pose. « Je ne travaille
qu’avec des gens qui n’ont jamais posé. Les modèles doivent effectuer un
travail sur eux-mêmes et leur nudité, accepter leur image, celle de leur sexe,
le contact, au sein du groupe ». Ainsi, ce que capture l’image, c’est le
résultat d’une double transformation, extérieure — poses, postures, éclairage,
cadrage — et intérieure — « du mal-être au lâcher-prise ». Et notre
regard progresse depuis la surface jusqu’au cœur.
Rodolphe Arthaud
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